« Elle a réussi ses études et son sourire est notre plus belle récompense. »

Depuis 2010, j’entretiens une relation épistolaire régulière avec notre filleule Christine, suivie par l’association CAMELEON. C’est grâce à l’émission « Envoyé Spécial » de la deuxième chaîne française que j’ai pris connaissance du travail effectué par Laurence Ligier et son équipe à Passi sur l’ile de Panay. Dès le lendemain, j’adhérais à l’association et demandais à parrainer une enfant car l’accès à la connaissance, l’éducation et la culture est d’une importance capitale pour mon mari et moi-même : c’est ainsi que Christine est arrivée dans ma vie, notre vie.

Au fil des ans, il me semblait évident que je devais me rendre aux Philippines ; le hasard faisant bien les choses, je me suis liée d’amitié avec un Aveyronnais du Luxembourg, Alain et sa femme Aurore, d’origine philippine. Je leur parlais de ma filleule, des lettres que je lui envoyais, de mes doutes quant à la pertinence de mes écrits, des Philippines et voilà, la grande décision fut prise l’année dernière : nous partirions aux Philippines pour un voyage de 4 semaines !

Le 4 mars 2016, nous prenions l’avion pour Iloilo. Après un chemin chaotique au milieu des cannes à sucre, nous sommes enfin devant la grille de CAMELEON. La lourde porte s’ouvre, nous y voilà ! L’accueil est amical, nous nous installons dans la maison des volontaires et passons notre première nuit au centre ; le grand jour c’est demain !

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Quelle expédition pour aller du centre CAMELEON à la maison des parents de Christine ! La route est longue, Dawn et Merlen du personnel de l’association nous accompagnent. Nous comprenons que nous devrons marcher une vingtaine de minutes pour rejoindre Christine qui vient au-devant de nous. En quelques secondes, elle s’installe à l’arrière de la voiture, l’émotion est grande, mes larmes sont difficilement retenues, nous nous tenons la main ; premier contact hors des mots : pas facile… L’émotion, la timidité obligent parfois au silence.

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La maison des parents de Christine emportée par le dernier typhon a été reconstruite grâce à CAMELEON. Nous faisons connaissance avec Joemarie le papa, Mary Jane la maman, ses deux sœurs, Kenny et Queenie, la petite dernière bien espiègle. Christine m’emmène voir le jardin derrière la maison : c’est important un jardin, ça permet avec beaucoup de travail bien sûr, d’apporter une aide alimentaire appréciable à une famille.

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L’accueil est chaleureux. Christine repart avec nous car nous avons obtenu l’accord de ses parents pour l’emmener passer la journée suivante à la mer.
Arrivés à Passi, nous allons faire du shoping sur le conseil d’Eulalie de CAMELEON France, car ainsi elle pourra choisir ce dont elle a besoin. Quel plaisir ce fut de la voir chercher, rire, choisir pour elle et sa famille ; le choix fut pragmatique : quelle belle leçon !

Le soir un spectacle de chants, danses et numéros d’acrobatie était organisé en notre honneur par les pensionnaires du centre. Lorsque je regardais la joie de vivre de toutes ces jeunes filles, il m’était très difficile de réaliser que toutes, même la plus jeune, avaient subi une agression sexuelle. Après le spectacle, elles se sont assises face à nous et ce fut à nous cette fois de « faire le spectacle ». Après leur avoir conté comment nous nous étions rencontré en tant que couple, nous avons chanté « la vie en rose » de Piaf, mon mari un chant religieux russe et un negro spiritual, puis avec Alain deux chansons anglaises; mais le clou fut lorsque Aurore prit la guitare et entonna des chansons populaires philippines : ce fut le délire ! Soirée inoubliable de chaleur humaine qui restera à jamais dans nos cœurs.

Le lendemain tôt, nous partons pour Guimaras, petit paradis sur terre ; la séparation est pour bientôt et nous engrangeons émotions, sourires et souvenirs. Christine doit reprendre un bus, son père est en train de l’attendre pour la ramener à la maison. Les adieux sont difficiles. Christine n’est plus seulement le nom d’une enfant que nous avons aidée : notre rencontre l’a rendue vivante en nous.

 

Dawn, « la bodyguard » de CAMELEON nous a beaucoup marqué par sa gentillesse, son professionnalisme et son sourire ; un poème fut écrit en son honneur par mon mari :

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DAWN
The moonlight is fading away
amidst the stars of the milky way
and the angels follow its gown
flying over a quiet Passi town.
Dawn is like a candle of heavens
chasing the Devil’s black ravens.
Dawn is breaking through the night
which disappears with its dark knights.
Brave Hellios, wake up your steeds
and bring the warmth the countryside needs.
(Didier -1 to 8- and the Moody blues – 9&10).

 

Une question me fut posée sur le contenu des lettres que j’envoie à Christine : que peut-on échanger avec quelqu’un que l’on n’a jamais rencontré, qui est loin et d’une autre culture ? Les sujets ne manquent pas car échanger c’est ouvrir l’Autre à une autre culture, à des modes de vie, des habitudes souvent très éloignées. Je lui parle de mon jardin, des plantations, des voyages, de mon pays la France et de mon pays d’adoption Le Luxembourg, de littérature, (je lui ai envoyé « Le petit prince » en anglais, des livres qui ont marqué mon adolescence), je lui parle de musique (je lui ai fait parvenir des CDS de musique classique). Lorsque je marche en montagne, je lui envoie des cartes avec les marmottes que j’aime voir gambader dans la nature; les sujets sont innombrables. Christine quant à elle m’écrit sur ses études, son engagement à CAMELEON, sa famille, les plantations de riz, la difficulté de sa vie, les récoltes, ses lectures, parfois ses doutes, sans oublier à chaque lettre un psaume.

Nous avons poursuivi notre voyage mais le souvenir de Christine, de Dawn, des membres de CAMELEON, des chauffeurs et les sourires inoubliables de toutes les pensionnaires du centre nous ont accompagné jusqu’à la fin de notre séjour et encore aujourd’hui. Nous n’oublions pas Sabine, la directrice du centre qui nous a beaucoup appris sur CAMELEON.

Ce voyage nous a permis de constater sur place le professionnalisme et le sérieux avec lesquels CAMELEON mène ses deux activités : d’une part, la prise en charge de jeunes filles sexuellement abusées, leur offrant aide, protection, éducation, leur permettant de retrouver confiance et estime de soi favorisant ainsi la reconstruction de l’enfant ; et d’autre part, le parrainage d’enfants issus de familles pauvres, leur permettant ainsi de poursuivre leur scolarité. La volonté de réussir de ces enfants parrainés force l’admiration ; notre filleule a pleinement conscience de sa chance et donc de la responsabilité qui en découle. Elle a réussi ses études et son sourire est notre plus belle récompense. Cela ne peut que nous encourager à rechercher de nouveaux parrains pour permettre à CAMELEON de continuer à « construire l’avenir des enfants abusés ou défavorisés ».

Nous reviendrons sûrement aux Philippines et à CAMELEON.

Anita et Didier