« A CAMELEON j’ai appris Le sens profond de l’aide. Le besoin de plus de temps, de plus d’efforts. Apporter son aide, c’est plus qu’un travail, c’est plus que faire des papiers. L’amour que tu donnes, ne peut pas être rendu par de l’argent.
Parfois cela me fait mal, je travaille beaucoup, mais à la fin de la journée, quand je vois les filles qui apprécient la vie, ce qu’elles font au cirque, mes efforts payent ! »

 

cameleon association jessica social worker 2Comment es-tu arrivée chez CAMELEON ?
Quand j’ai été diplômée, j’ai postulé dans beaucoup d’ONG. La première à m’avoir rappelée fut CAMELEON. Tout s’est passé très rapidement, et je suis tombée amoureuse de mon travail.
Pourquoi es-tu tombée amoureuse de ce travail ?
Les filles ici ont besoin d’amour, de l’aide d’une Tita (un terme philippin signifiant « Tante » et à la fois marque de respect), d’une sœur, ou d’une mère. Cela leur manque, et elle mérite d’être aidée car elles n’ont pas choisi d’être victimes. Elles veulent de la tendresse, tenir une main, où avoir une main posée sur leur épaule. Chacune des 50 filles a besoin d’affection.

Et comment leur donnes-tu cette affection ?
Tous les jours, je leur dis simplement « Bonjour ». J’ai des rendez-vous individuels avec elles, je leur demande simplement comment elles vont. Souvent elles me demandent d’elles même si elles peuvent me faire un câlin où me tenir la main.

Comment se déroule ton travail au quotidien ?

Tous les jours, je vais au bureau où je rédige des rapports. Si je vois des filles passer, je vais parler avec elles pendant quelques heures. Je vais m’asseoir auprès d’elles, et je mène des entretiens individuels. Je leur demande comment elles se sentent, si elles sont heureuses, de quoi elles ont besoin. Certaines filles ont des difficultés à s’exprimer, d’autres pas du tout, ça dépend de chacune. Donc tous les jours, j’en vois 2 ou 3. Dans la soirée, je m’occupe beaucoup d’elles étant donné qu’elles sont à l’école pendant mes heures de travail. J’organise aussi régulièrement des groupes de dialogues.

Et comment vois-tu qu’une fille à un problème ou ne va pas bien ?
Pour connaître le problème, la première chose c’est de parler ensemble, de devenir leur amie. C’est la première étape. Si l’enfant est une victime, il a besoin de quelqu’un pour l’aider. […] J’aime voir les filles en action, au cirque, en train de danser, en train de diriger, retrouver l’estime de soi. Quand je les vois reprendre confiance en elles, quand elles font tout pour être heureuses, cela me remplit de joie.

cameleon association jessica social worker 3

Comment se passe le processus d’entrée et de sortie des filles au Centre de CAMELEON ? Et le passage de la Maison 1 (pour les nouvelles arrivantes) à la Maison 2 (pour celles sur place depuis plus longtemps) ?
Quand elles arrivent, nous nous réunissons avec le travailleur social qui nous réfère la jeune fille, la mère de substitution de CAMELEON et l’enfant concerné. A leur arrivée, elles sont timides et se sentent honteuses. Et puis nous organisons la soirée « Hi-Hello », où elles peuvent lier amitiés les unes avec les autres. Avec l’aide du cirque, elles peuvent aussi tisser des liens et deviennent alors de moins en moins timides. Au bout de quelques jours je les sens heureuses d’être ici.
Au centre de CAMELEON, il y a 2 maisons d’accueil pour les jeunes filles : la Maison 1, la Maison 2. Celles qui sont les plus avancées dans le processus de Reconstruction Personnelles vont à la Maison 2 pour laisser la place aux nouvelles dans la Maison 1. Dans la Maison 2, les filles pensent qu’elles doivent assurer le rôle de modèle pour les autres. Elles prennent plus de responsabilités, notamment dans les tâches quotidiennes, dans les tâches ménagères. De plus, elles apprennent aux arrivantes et aux plus jeunes comment faire leurs tâches comme la lessive, la vaisselle, etc… Elles savent qu’elles sont sur le chemin de la sortie, alors elles deviennent plus responsables et essayent d’être de bonnes conseillères pour aider leurs amies du Centre. A la Maison 1, elles ont plus de cauchemars, de flashback, et certaines aussi ont oublié et évitent de se rappeler leur traumatisme.

Et comment juge-t-on qu’une fille est prête pour la 2ème étape de la Réinsertion hors du Centre de CAMELEON ? (la Réinsertion correspond à la réintégration dans la communauté hors des maisons d’accueil.)
C’est quand elles sont capables de tenir debout d’elles-mêmes, de s’auto-protéger dans la vie de tous les jours que nous considérons qu’elles sont prêtes. Chaque année, au début de Janvier, on annonce aux jeunes filles concernées (une quinzaine) qu’elles sont candidates à la Réinsertion.
Elles sont candidates si elles arrivent à exprimer ce qu’elles pensent, si elles étudient bien, qu’elles assument des responsabilités au Centre et qu’elles ont de l’estime pour elles-mêmes. Parfois, on se rend compte qu’elles ne sont pas prêtes parce qu’elles sont trop facilement influençables. Quand je leur demande « Pourquoi tu as fait ça ? » Et qu’elles me répondent « Parce qu’on m’a dit que… », il y a encore un chemin à parcourir pour qu’elles puissent se protéger elles-mêmes.

Comment réagissent-elles quand elles apprennent qu’elles sont candidates ?
Elles sont surprises, heureuses, excitées, inquiètes à la fois. On parle avec elles et on invite des jeunes filles qui sont déjà en Réinsertion à venir parler avec elles. Elles ont des inquiétudes sur comment elles vont gérer leur budget… des inquiétudes du quotidien finalement qu’elles n’ont pas à gérer tant qu’elles sont en Maison d’accueil.

Qu’as-tu appris à CAMELEON ?
Le sens profond de l’aide. Le besoin de plus de temps, de plus d’efforts. Apporter son aide, c’est plus qu’un travail, c’est plus que faire des papiers. L’amour que tu donnes, ne peut pas être rendu par de l’argent. Je viens de Capiz, c’est un gros sacrifice pour moi de vivre ici, loin de ma famille et je sais que je leur manque. Mais c’est un sacrifice qui vaut le coup d’être fait. Je grandis, j’apprends, j’apprécie d’être ici. Parfois cela me fait mal, je travaille beaucoup, mais à la fin de la journée, quand je vois les filles qui apprécient la vie, ce qu’elles font au cirque, mes efforts payent !

Que penses-tu du fait que beaucoup des jeunes filles veulent devenir assistantes sociales ?
Je sais qu’elles veulent devenir assistantes sociales, ou bien avocates… Je leur dis que je n’attends pas d’elles qu’elles me rendent quelque chose, mais je leur dit que c’est bien de transmettre l’aide qu’on a reçu à quelqu’un d’autre et de vouloir aider à son tour. CAMELEON ne demande pas à être payé, mais elles peuvent protéger d’autres en retour. Elles connaissent l’impact de l’aide des assistantes sociales, des avocats, c’est pour cela qu’elles veulent aider de cette façon.

Selon toi, qu’est-ce que CAMELEON offre aux filles du centre qu’elles ne peuvent pas trouver dehors ?
L’amour, l’affection, l’aide, l’école, le matériel, la nourriture, les amis, des compétences, apprendre à cuisiner, le cirque, savoir se servir d’un ordinateur. En fait, de grandes opportunités !