Alors que 165 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, une nouvelle loi a été promulguée en avril 2021 pour mieux protéger les enfants. Elle instaure pour la première fois un seuil d’âge de non-consentement à 15 ans et à 18 en cas d’inceste.

CAMELEON salue cette avancée historique pour laquelle nous nous battons depuis plusieurs années, rendue possible grâce aux témoignages courageux d’anciennes victimes et à la mobilisation de nombreuses associations, parlementaires et citoyen.ne.s. Cette loi prévoit également d’autres dispositions pour lutter contre les crimes et délits sexuels envers les mineurs. Décryptage de ses 4 mesures phares.

Seuil de consentement fixé à 15 ans

Pour Madame Annick Billon, sénatrice à l’origine de la proposition de loi, l’objectif était d’affirmer l’interdiction de tout acte sexuel entre un adulte et un enfant. En effet, pour pouvoir qualifier celui-ci de crime ou d’agression sexuelle, il fallait rechercher, comme pour les pratiques entre adultes, des éléments de violence, contrainte, menace ou surprise.

Elle estime que « la notion de consentement, déjà complexe lorsque la victime est un adulte, n’a tout simplement pas sa place dans le débat lorsque la victime est particulièrement jeune. » Désormais, de nouveaux articles insérés au Code pénal créent des infractions sexuelles spécifiques aux mineurs.

Ainsi tout acte de pénétration imposé par un adulte à un mineur de moins de 15 ans (y compris les actes bucco-génitaux) sera considéré comme un crime avec une sanction encourue de 20 ans de prison. Sans pénétration, l’acte sexuel sera qualifié d’agression sexuelle, avec une sanction encourue de 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende.  Les pédocriminels ne pourront plus invoquer le « consentement » de leurs victimes. C’est un progrès majeur pour lutter contre l’impunité des violences sexuelles commises sur les enfants.

Conditions particulières : seuil de non-consentement à 13 ou 18 ans

  • Seuil de consentement à 13 ans en cas d’écart d’âge inférieur à 5 ans

Néanmoins une clause dérogatoire, surnommée « Roméo et Juliette », prévoit que si l’écart d’âge entre l’adulte et l’enfant est de moins de 5 ans, la nouvelle qualification de viol ou d’agression ne s’appliquera pas automatiquement. Elle concerne donc les jeunes majeurs ayant des rapports sexuels avec des mineurs âgés de 13 ans et plus, pour ne pas pénaliser « les amours adolescentes ». Il faudra encore rechercher des éléments de violence, contrainte, menace ou surprise. Dans ce cas, le seuil d’âge de non-consentement effectif est fixé à 13 ans.

  • Seuil de consentement à 18 ans en cas d’inceste

En cas d’inceste le mineur est présumé non-consentant jusqu’à ses 18 ans. Mais si l’auteur de l’acte sexuel incestueux est un membre de la famille autre que le père, la mère ou les grands-parents, il faut que cet adulte (frère, sœur, oncle, tante, beau-parent) exerce sur l’enfant « une autorité de droit ou de fait » pour qualifier l’acte de crime ou d’agression sans rechercher le non-consentement de l’enfant. Les peines encourues sont également de 20 ans ou 10 ans d’emprisonnement.

Prescription glissante

La nouvelle loi ne modifie pas le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs, allongé par la loi du 3 août 2018 : 30 ans à compter de la majorité de la victime, soit jusqu’à l’âge de 48 ans. Elle introduit cependant un principe de prescription « glissante » ou « prolongée » si l’auteur viole ou agresse sexuellement par la suite un autre enfant, jusqu’à la date de prescription de cette nouvelle infraction. Ainsi, la commission d’un nouveau délit peut prolonger la prescription d’un ancien délit.

Un second mécanisme a été voté : un acte interruptif de prescription. Lorsque l’auteur est soumis à un acte de procédure, une audition par exemple, cela interrompt la prescription non seulement dans l’affaire considérée, mais aussi dans les procédures des autres victimes mineures de viols ou d’agressions. Cela peut permettre, dans le cas de crimes successifs, d’éviter que certains cas ne se retrouvent prescrits alors que d’autres pourraient aller en justice.

Sextorsion, autres crimes et délits

Un nouvel article réprime aussi l’infraction de « sextorsion », consistant pour un majeur à inciter un mineur à se livrer à des pratiques sexuelles sur Internet, notamment pour en obtenir les images. Ce délit est punissable de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. Enfin, d’autres amendements renforcent les peines sanctionnant l’exhibition sexuelle, le proxénétisme et le recours à la prostitution des enfants.

Le combat continue !

En résumé : la nouvelle loi établit un seuil d’âge de non-consentement à 15 ans et à 18 ans en cas d’inceste. Elle peut allonger le délai de prescription en cas de nouvelles victimes du même agresseur, et crée une infraction spécifique sur la « sextorsion ». Pour en savoir plus, consulter la loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste (n° 2021-478 du 21 avril 2021) : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043403203?r=jRiua87o0L

Nous sommes fiers de cette première victoire dans le cadre de notre campagne des 500 jours pour protéger les enfants contre les violences sexuelles. Un enfant n’est jamais consentant ! Néanmoins nous soulignons certaines fragilités de la loi, notamment sur la définition de l’inceste et la clause liée à l’écart d’âge minimal de 5 ans entre majeur et mineur.

Pour Florence Provendier, députée des Hauts-de-Seine et vice-présidente du Conseil d’administration de CAMELEON, qui a oeuvré à lutter contre les violences sexuelles dans le cadre de cette loi en portant plusieurs amendements, il est important que la loi puisse assurer « une protection forte et égale pour chaque mineur de moins de 15 ans : parce qu’en-dessous de 15 ans c’est non, peu importe les raisons. De plus, il est essentiel d’alerter les enfants et de libérer leur parole, et aussi d’accompagner les professionnels qui appliqueront ce texte ». Nous la remercions pour son engagement politique exemplaire en faveur des droits de l’Enfant et le soutien précieux qu’elle apporte à l’association aux côtés d’autres acteurs de terrain.

Restons vigilants, engagés et déterminés pour éveiller les consciences, faire changer les lois et les mentalités. Outre le renforcement de la loi, des actions de prévention et de formation doivent ainsi être mises en œuvre auprès des enfants, des professionnels et des citoyens pour éradiquer ces violences. C’est le combat que nous menons à la mission sociale France de CAMELEON.