En France, malgré le silence qui entoure les violences sexuelles sur mineurs, les statistiques nous indiquent que c’est un viol ou une tentative de viol sur mineur qui a lieu toutes les heures. Pour autant, ce ne sont que 1 à 2% des agresseurs qui sont condamnés.
Il s’agit désormais de savoir qui de la loi ou de la justice est à l’origine de ces lacunes.

C’est en 2017 que le débat a pris des proportions inattendues en France. Un homme de 28 ans est poursuivi pour viol sur une jeune adolescente de 11 ans. Le parquet a pourtant décidé de requalifier le viol en atteinte sexuelle, jugeant qu’il n’y avait pas eu de contrainte, de violence, de surprise ou de menace,  ce qui implique l’existence du consentement de la jeune fille de 11 ans.

« La loi n’est pas du côté des victimes et prend comme argument la primauté du principe de la présomption d’innocence présent dans le code pénal français. »

Le débat est alors monté d’un cran pour que soit établi un âge en dessous duquel il ne peut pas y avoir de consentement. En effet, peu importe l’âge de la victime, il lui incombe d’apporter la preuve de son non-consentement afin d’établir l’élément de contrainte et de qualifier le viol. Comme l’a précisé le Conseil Constitutionnel en 2015, l’âge de la victime n’est qu’une circonstance aggravante et non une preuve. Aussi étonnant que ce soit, il en est donc de même pour un nourrisson pour lequel il faudrait apporter la preuve de son non-consentement. La loi n’est pas du côté des victimes et prend comme argument la primauté du principe de la présomption d’innocence présent dans le code pénal français, et dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1789 elle-même incluse dans la Constitution de 1958.

La Loi Schiappa

En 2018, la loi Schiappa devait mettre en place un « seuil de présomption de non-consentement irréfragable » pour les mineurs de moins de 13 ou 15 ans. Cette disposition permettait à ces mineurs d’être automatiquement considérés comme étant victimes de viol et/ou d’agression sexuelle lors d’une relation avec une personne majeure.
Le gouvernement a pourtant décidé de ne pas retenir ce principe de non-consentement et de maintenir la preuve de la contrainte ou de la surprise, qui est désormais  « caractérisée par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ».
Pour certains, notamment la députée LREM Alexandra Louise, il s’agit d’un pas en avant car il résulterait de ce nouveau texte « une vulnérabilité particulière pour un mineur de moins de 15 ans ».

A l’inverse, nous y voyons un écran derrière lequel les agresseurs peuvent se cacher. La loi pénale étant d’interprétation stricte, aucune avancée n’est véritablement faite et la contrainte et la surprise resteront à démontrer à travers la notion de « vulnérabilité ». La pratique des juges mettait déjà en avant la vulnérabilité des mineurs de moins de 15 ans. Ce texte n’ajoute donc rien de nouveau, si ce n’est l’obligation d’apporter une preuve de la vulnérabilité.
Nous déplorons également le manque de précision de ce texte qui ne définit ni la notion de « vulnérabilité », ni la notion de « discernement ».
Nous rejoignons la vision du Dr Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, qui affirme

« Le problème reste donc inchangé, les magistrat·e·s auront toujours à prouver la violence, la contrainte, la menace ou la surprise ; ces critères caractérisant le viol et les agressions sexuelles font une large place à l’appréciation subjective du magistrat et conduisent immanquablement à juger le comportement de la victime en interprétant son attitude, son discernement, sa maturité sexuelle, pour rechercher si elle était ou non consentante. »

Elle préconise alors une présomption de non consentement pour les mineurs de moins de 15 ans et de moins de 18 ans en cas d’inceste.

L’âge de non-consentement déjà établi dans d’autres pays

En parallèle de ce qu’il se passe en France, certains de nos voisins semblent avoir choisi la voie du progrès. En Belgique et en Chine, l’âge fixé pour établir automatiquement le non-consentement est de 14 ans. En Angleterre, en Suisse et en Tunisie il est de 16 ans. En Espagne et aux Philippines il existe bien un âge en deçà duquel le non-consentement est établi mais ce dernier est anormalement bas puisqu’il est de 12 ans.

La France est donc en retard par rapport à beaucoup de pays, et il s’agit désormais de lutter pour une nouvelle réforme plus progressiste.

L’affaire Epstein met de nouveau la question d’âge de non-consentement au centre des débats politiques en France

La découverte de noms de victimes de nationalité française a permis de faire resurgir notamment le débat sur les violences sexuelles faites sur des mineur(e)s en France mais aussi sur la question de l’âge de non-consentement promulguée par Marlène Schiappa en 2018.

À lire : L’affaire Epstein

Sources : Colloque de Coup de pouce – protection de l’enfance – 18 mai 2019 à la Salpétrière, Le Monde


 

CAMELEON agit aux Philippines pour protéger et réhabiliter les jeunes filles victimes de violences sexuelles mais aussi en France à travers des actions de sensibilisation et de prévention dans les établissements scolaires français. Sur les thèmes de Droits de l’Enfant et de Solidarité Internationale, CAMELEON souhaite apporter la notion d’engagement auprès des enfants dans les écoles en France.

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