« C’était le 16 mars 2020, j’étais à la maison et je faisais mes tâches quotidiennes. Tout allait bien jusqu’à ce que la nouvelle du COVID-19 déclenche la peur et la panique dans notre communauté. Les gens se sont précipités pour acheter des stocks de nourriture et des produits de première nécessité en vue d’un éventuel confinement. On a constaté que la peur s’était répandue au sein de la communauté. Une semaine plus tard, les écoles ont fermé. Les personnes travaillant en ville et ailleurs ont dû immédiatement rentrer chez elles. J’étais juste là, assise devant notre porche à regarder les gens. Les jours passant, j’ai vu que les masques et le gel hydroalcoolique commençaient à manquer au sein de notre communauté, les personnes se plaignaient de cela. J’étais en train de coudre un morceau de vêtement au moment précis où j’ai eu l’idée de confectionner un masque pour mon petit-fils de 6 ans. Ma nièce m’a vu et m’a dit d’en faire plus et d’en vendre une partie car les gens en avaient besoin. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de les vendre à la communauté.

J’en ai fait beaucoup, je les ai vendus à 25 pesos la pièce. Je ne pouvais pas les vendre à un prix plus élevé car cela aurait été très cher pour de nombreuses personnes. Les gens ont perdu leur emploi, certains n’ont même pas de revenus stables. En fait, la plupart des gens de la communauté n’ont pas assez d’économies pour subvenir aux besoins de leur famille jusqu’à la fin de la période de quarantaine. A vrai dire, les gens sont impuissants et même moi, je suis impuissante. L’argent et les ressources sont rares et il n’y a toujours pas de réponse de la part du Gouvernement. Nous ne pouvons pas sortir de nos maisons, surtout les personnes âgées comme moi. Tout ce que j’ai avec moi, c’est ma machine à coudre, donnée par CAMELEON pour l’atelier couture, qui est maintenant ma seule source de revenus.

La confection de masques m’a aidé à gagner de l’argent petit à petit pour subvenir à mes besoins quotidiens. Ma famille et moi vivions de manière simple. Avec la situation actuelle où tout est rare et où les gens de la communauté gagnent très peu, voire rien, je ne sais pas ce qu’il va se passer ensuite. Que va-t-il arriver aux pauvres, que va-t-il nous arriver ? J’ai même rencontré une mère de famille, une mère de 12 enfants, qui est blanchisseuse, mais qui, dans la situation actuelle, ne peut plus travailler à cause de l’obligation de distanciation sociale. Elle m’a même demandé ce qu’il se passait. Quand je lui ai parlé de la pandémie, elle n’arrivait pas à y croire. Je sais que c’était une forme de déni de sa part mais qu’elle réfléchissait déjà à la façon dont elle pourrait nourrir sa famille.

La situation que nous vivons actuellement est difficile puisque nous ne savons pas ce qui nous attend dans les 3 à 4 prochaines semaines. J’ai de la chance de vivre dans une communauté où les légumes sont abondants et les gens s’entraident en se donnant de la nourriture et autres produits. En pleine pandémie, la bonté et la gentillesse des gens envers leur communauté sont très appréciées. Les gens n’ont pas hésité à donner, même s’ils n’ont pas grand-chose. Nanit, une bénéficiaire de CAMELEON, a même fait don d’un masque au Barangay. Dans ce type de situation, les gens ne manquent jamais de s’entraider, et peut-être que l’entraide sera la clé pour surmonter cette épreuve. »

– Myrna, mère dans un des villages où nous parrainons des enfants et couturière dans l’atelier CAMELEON mis en place il y a 2 ans