Les Philippines ont signé la Convention Internationale des Droits de l’Enfant en 1990 pour s’engager à mettre en œuvre des politiques publiques qui assurent le meilleur intérêt de l’enfant. Comment les lois ont-elles évolué et quelle a été leur application sur le terrain ? En 2019, il est d’autant plus urgent d’agir pour protéger et respecter les enfants que 31% de la population est âgée de moins de 14 ans !

De nombreuses lois pour lutter contre les mauvais traitements

Dès 1992, l’État philippin a promulgué le Republic Act (R.A) 7610 sur « la protection spéciale des enfants contre les sévices, l’exploitation et la discrimination ». C’est une des premières lois qui l’engage à mettre en œuvre l’article 19 de la CIDE afin de protéger les enfants contre toutes les formes de maltraitance, de négligence, de cruauté, d’exploitation, de discrimination et d’autres conditions préjudiciables à leur développement.

La Proclamation 731 de 1996 a mis en place la Semaine de Sensibilisation Nationale pour la prévention des violences et exploitations sexuelles faites aux enfants, la deuxième semaine de février. Cette semaine permet de combattre le tabou des violences sexuelles.

En 1997 et 1998, deux lois ont été promulguées afin de définir le viol comme un crime et fournir assistance et protection aux victimes. Il a été fixé un âge minimum de consentement sexuel fixé à 12 ans (âge le plus bas parmi les pays d’Asie). L’État s’est engagé à collaborer avec des ONG en vue de la création et du fonctionnement d’un centre d’aide aux victimes de viol dans chaque province et ville. C’est dans ce contexte qu’a été créée l’association CAMELEON, pour protéger les jeunes filles victimes de violences, les aider à se rétablir et les assister juridiquement. La 1ère maison d’accueil a été construite à Passi. 

Mais des violences sexuelles endémiques envers les enfants

Les violences envers les enfants sont très répandues aux Philippines, qu’il s’agisse de châtiments corporels ou de violences sexuelles. Environ 7 millions d’enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année. D’après le Centre de Ressource des Femmes (CWR), malgré plus de 37 lois exécutives et ordonnances administratives pour protéger les femmes et les enfants, une femme ou un enfant sont violés toutes les 53 minutes.

De plus, il existe une demande importante de tourisme sexuel aux Philippines. Et depuis une dizaine d’années, les nouvelles technologies ont changé la donne de l’exploitation sexuelle des enfants. La cyberpédocriminalité s’est fortement développée avec la recrudescence de violences sexuelles commises sur des mineurs en direct par webcam (« live streaming »). Des pédophiles commandent à distance, depuis leur pays d’origine, des viols d’enfants moyennant une transaction financière.

Les Philippines sont ainsi devenues un épicentre mondial du commerce de pornographie infantile. En 2009, le R.A 9775, renforcé en 2012 par le R.A 1017, avait pour objet la lutte contre la pornographie infantile, notamment pour protéger les enfants vivant dans l’extrême pauvreté.

Renforcées par des inégalités persistantes d’accès au droit

Ces violences envers les enfants sont accrues par certains facteurs de vulnérabilité, qui sont d’autres formes de violation des droits de l’enfant reconnus par la CIDE. Par exemple, le droit à l’identité, qui est fondamental pour avoir une existence reconnue sur le plan légal et administratif, n’est pas mis en œuvre partout de manière effective. 17% des naissances ne sont pas officiellement enregistrées, ces enfants « invisibles » sont particulièrement exposés aux violences.

Malgré des progrès économiques, 1 personne sur 3 vit encore sous le seuil de pauvreté. Pour subvenir aux besoins de leur famille, plus de 10% des enfants sont contraints de travailler. Selon l’UNICEF, on dénombre aux Philippines près de 2,85 millions d’enfants âgés de 5 à 15 ans qui ne sont pas scolarisés. Environ 1 million de jeunes philippins récupèrent des ordures dans les déchetteries publiques, entraînant des conséquences graves sur leur développement et leur santé. Les secteurs ruraux emploient également des enfants dans des conditions difficiles, dans les plantations de cannes à sucre, de riz ou encore de thé.

Il existe aussi de grandes disparités territoriales dans l’accès aux soins de santé, notamment dans les zones les plus reculées. Enfin, le poids de la culture patriarcale et de la religion, la prostitution et les mariages forcés ainsi que le manque d’information sur la contraception et en matière de vie affective et sexuelle expliquent le nombre important de grossesses précoces non désirées. Chaque année aux Philippines, 200 000 enfants sont mis au monde par des adolescentes.
(Sources : site Humanium et données Unicef 2016)

Les programmes de CAMELEON en faveur des droits de l’enfant

Avec une expérience de plus de 20 ans sur le terrain, CAMELEON a développé une approche globale pour agir sur les causes et les effets des violences sexuelles à l’égard des enfants et des adolescents. Ses programmes participent à l’application effective de la CIDE aux Philippines.

L’association soutient le droit à l’éducation (article 28) grâce à un système de parrainage scolaire pour les bénéficiaires des maisons d’accueil et les enfants des villages voisins, jusqu’à la fin de leurs études supérieures.

CAMELEON a aussi permis à des familles d’accéder à des formations professionnelles et de participer à des projets générateurs de revenus pour promouvoir leur autonomie et le développement socio-économique dans leur communauté. L’objectif est d’apporter aux enfants défavorisés l’accès à des conditions de vie décentes pour permettre leur développement physique, mental, moral et social (article 27). En 2018, ce sont 175 familles bénéficiaires qui sortent peu à peu de la pauvreté.

3 maisons d’accueil ont été construites pour protéger les enfants victimes de violences sexuelles en les accompagnant avec leur famille sur la voie de la résilience et pour leur offrir un avenir meilleur. Les petites et jeunes filles âgées de 5 à 19 ans qui sont prises en charge bénéficient de soins et d’un suivi psychologique pour soigner leurs traumatismes (article 24).

Le sport et le cirque font partie intégrante du processus thérapeutique de reconstruction personnelle. Par ces activités, les filles trouvent un moyen de s’épanouir à travers les loisirs et le jeu (article 31), et surtout elles reprennent confiance en elles en se réappropriant leurs corps. Enfin, l’association défend leur droit à la justice (article 12). En 2018, 48 jeunes filles accueillies ont souhaité poursuivre leurs agresseurs et bénéficié de conseils juridiques et d’un accompagnement.

De plus, CAMELEON promeut la liberté d’expression et le droit à la participation des jeunes (articles 12 et 13) à travers ses actions de prévention et plaidoyer. Des bénéficiaires ont été formés en tant que jeunes ambassadeurs.drices des droits de l’enfant (Voice of Cameleon Children – VCC) et de la santé (Cameleon Youth Health Advocate – CYHA) pour faire connaître les droits de l’enfant, promouvoir l’éducation sexuelle et reproductive et lutter contre les violences et la maltraitance envers les enfants. En 2018, ce programme a permis de sensibiliser près de 300 000 personnes.

Pour en savoir plus sur nos revendications, lire l’article sur la contribution de CAMELEON à l’Examen Périodique Universel des Philippines par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies en 2017.

Les droits de l’enfant comme levier du développement durable

Nos programmes en faveur des droits de l’enfant contribuent à la réalisation de plusieurs Objectifs de Développement Durable à horizon 2030. C’est lors d’un sommet historique en 2015 que les États des Nations Unies s’étaient fixé 17 objectifs pour protéger la planète et permettre à chacun.e de vivre dans la paix et la prospérité, avec un avenir meilleur et plus durable pour tou.te.s.